Centrafrique,
les arrestations salutaires des combattants des groupes armés
Les arrestations de membres
de groupes armés, signataires de l’Accord de Khartoum, par la MINUSCA, ouvre une
nouvelle période pleine d’incertitudes. Il n’est jamais trop tard pour bien
faire.
La
MINUSCA, créée par le conseil de sécurité de l’ONU en 2014, est autorisée à
prendre toutes les mesures requises pour contribuer au rétablissement de
l’autorité de l’État centrafricain dans tout le pays.
À
la suite des derniers évènements sanglants qui ont affectés les régions du
nord-est et du sud-est, la MINUSCA ne s’est pas contentée de s’interposer entre
les belligérants. Coup sur coup, à Ndélé puis à Obo, la MINUSCA a interpellé
quelques combattants rebelles, soupçonnés de graves atteintes aux droits de
l’homme et au droit humanitaire, susceptibles d’être ensuite accusés de crime
contre l’humanité. A Ndélé, neuf rebelles du Rassemblement patriotique pour le
renouveau de la Centrafrique (RPRC), dont le « général » Azor Kalité,
et à Obo, neuf autres de l’Union pour la paix (UPC) ont été livrés à la Cour
Pénale Spéciale ( CPS) de Bangui. Cette initiative de la MINUSCA annonce
probablement un changement de stratégie qui pourrait contrarier les signataires
de l’Accord du 6 février 2019.
Le
RPRC et l’UPC en ligne de mire
Sans
méconnaître les responsabilités du FPRC de Nourredine Adam et de Abdoulaye
Hissène, déjà sous sanctions internationales, il est établi que les deux groupes
armés du RPRC et de l’UPC sont aussi très impliqués dans les récents événements
sanglants de Ndélé et de Obo.
Si
le groupe armé constitué par l’UPC, à majorité peulh, sous la direction d’Ali
Darass Mahamat, est bien identifié pour étendre, manu militari, son territoire
dans le sud-est, en revanche, le RPRC, à majorité Goula, sous la direction
militaire de Zakaria Damane et la direction politique de Herbert Gontran-
Djono-Ahaba, actuel ministre de l’énergie et du développement des ressources
hydrauliques, n’apparaît pas sous son appellation dans les communiqués officiels
du pouvoir de Bangui et, parfois curieusement, de la MINUSCA. Le RPRC s’efface
discrètement sous la formule neutre et désormais inexacte de » deux
factions du FPRC ». Il est clair que le RPRC a pris son autonomie du FPRC
et le combat sans ménagement. Le RPRC ne fait plus partie du FPRC. Le ministre
Herbert Gontran Djono-Ahaba du RPRC est bien signataire de l’Accord du 6 février
2019, en sa qualité de leader du RPRC, comme Ali Darass Mahamat l’est aussi pour
le compte de l’UPC. Les anciennes alliances politiques, comme celle de l’ex
Seleka, ont laissé la place aux affrontements intercommunautaires opposant
notamment les Rounga aux Goula et leurs alliés et les Peulh aux
chrétiens/animistes, voire aux Zandé, dans le Haut-Mbomou.
Des
arrestations en porte-à-faux
On
devine l’embarras des thuriféraires de l’Accord du 6 février 2019 et du Pacte
entre les autorités de Bangui et quatorze groupes armés, dont le RPRC et l’UPC,
devant les crimes commis à Ndélé et Obo par les combattants de ces deux groupes
armés, bien insérés dans le pouvoir actuel de Bangui et adoubés comme tels par
l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne et les partenaires bilatéraux du
G5+.
Des combattants du RPRC du ministre Herbert Gontran Djono-Ahaba,
de leurs alliés du MLCJ de Gilbert Toumou Deya, ministre délégué chargé des
relations avec les groupes armés et du PNRC de Arnaud Djoubaye-Abazene, ministre
des transports et de l’aviation civile, ainsi que des combattants d’Ali Darass
Mahamat, ministre-conseiller à la Primature, sont désormais dans les mains de la
justice centrafricaine.
Quelle
sera la réaction de ces deux groupes armés qui avaient jusqu’à maintenant la
faveur des autorités de Bangui ? Le
RPRC et l’UPC accepteront-ils la fin de l’impunité en filigrane de l’Accord du 6
février 2019 ? Les autorités de Bangui verront-elles d’un bon œil ces
arrestations qui contreviennent à leur stratégie de pacification avec les
groupes armés ?
Vers
la fin de l’impunité
Alors
que le processus électoral, en vue des élections présidentielle et législatives
de fin 2020, suscite un vif débat politique dans la société centrafricaine, ces
arrestations de combattants, peu sensibles l’avenir du pays, remettent en cause
le principe de l’impunité que les groupes armés croyaient acquis. Manifestement,
la MINUSCA entend désormais mettre hors d’état de nuire les responsables de
crimes contre les populations. Il est probable que les menaces pesant sur les
financements de l’ONU, notamment pour les opérations de maintien de la paix,
comme celle de la MINUSCA, ne sont pas étrangères à cette stratégie pro-active.
De même, le report désormais probable des élections de fin 2020, ne permettra
plus de s’accommoder du statu quo.
La
Cour Pénale Spéciale de Bangui va donc pouvoir accomplir la mission qui lui a
été confiée, depuis 2015. En aura-t-elle les moyens et toute la liberté pour
l’instruction et les jugements de ces affaires appelées à se multiplier ? D’ores
et déjà, on peut se demander si le siège à Bangui de cette cour hybride est
encore approprié. Deux leaders anti-balaka sont actuellement dans les mains de
la Cour Pénale Internationale de La Haye. La question de leur transfèrement
auprès de la Cour Pénale Spéciale de Bangui peut-être posée comme celle, de
l’éventuel voyage inverse, des nouveaux justiciables, vers la Cour Pénale
Internationale de La Haye. En Centrafrique, la fin de l’impunité constitue une
nouveauté qui s’annonce pleine d’embûches.
Source :
mondafrique - By Aza Boukhris - 27 mai
2020
https://mondafrique.com/centrafrique-les-arrestations-salutaires-des-combattants-des-groupes-armes/
Illustrations :
La MINUSCA, créée par le conseil
de sécurité de l’ONU en 2014, est autorisée à prendre toutes les mesures
requises pour contribuer au rétablissement de l’autorité de l’État centrafricain
dans tout le pays.